Les conseils nutritionnels du Dr Servan-Schreiber dans Anticancer sont-ils pertinents ? A l’occasion de l’anniversaire de sa disparition, LaNutrition.fr fait le point.

L’équipe de la Nutrition.fr – Mercredi 20 Juillet 2016
 
"Anticancer" : David Servan-Schreiber avait-il vu ...
 

Le 24 juillet 2011 disparaissait David Servan-Schreiber. Ce médecin humaniste, qui fut très proche de LaNutrition.fr (qu’il consultait régulièrement), a énormément contribué à faire connaître au grand public de nombreux concepts nutritionnels novateurs.

Dans Anticancer, David Servan-Schreiber détaillait les moyens de prévenir et lutter contre le cancer à différents niveaux, notamment au plan alimentaire, en s’appuyant sur les dernières avancées de la recherche scientifique. Côté nutrition, qu’est-ce qui a évolué depuis la parution d’Anticancer ? David Servan-Schreiber avait-il vu juste dans ses préconisations ?

« Le cancer se nourrit de sucre »

C’est la première chose que David Servan-Schreiber écrit sur les liens entre alimentation et cancer: que le métabolisme des cellules cancéreuses dépend de leur consommation de glucose, un phénomène décrit comme effet Warburg du nom de son découvreur, le Prix Nobel Otto Warburg. Et c’est sûrement ce point que la recherche a le plus confirmé depuis: l’effet Warburg est observé dans 60 à 80% des tumeurs. De quoi s’agit-il ? Contrairement aux cellules saines, de nombreuses cellules cancéreuses (dont celles du glioblastome, le cancer auquel David a succombé) se développent en avalant d’énormes quantités de glucose, sans consommer d’oxygène, par simple fermentation. D’où l’idée, expérimentée par plusieurs centres de recherche, d’«affamer le cancer», donc de contrôler la croissance des tumeurs. Cette approche « métabolique » est celle retenue par le Dr Laurent Schwartz en France. Elle est poursuivie par ceux qui explorent les effets du régime cétogène. Très pauvre en sucre, riche en graisses, il pourrait améliorer le pronostic de certains cancers, de pair avec les traitements classiques. D’autres travaux, ciblant le sucre, ont trouvé le sucre est pro-inflammatoire et que cette inflammation qui fait croître les tumeurs. Mais les études cliniques sont encore rares et on ne sait pas si, en diminuant l’accès au glucose des cellules cancéreuses, elles ne se tourneraient pas vers d’autres sources d’énergie. 

Lire aussi : « Le régime cétogène est encore trop peu connu des malades du cancer »

Si le régime cétogène est assez draconien, et donc plutôt réservé aux malades, vous pouvez adopter en prévention une alimentation de type « low carb » (régime Atkins, ou un régime à index glycémique (IG) bas). En effet, comme l’explique le Dr Servan-Schreiber cette dernière permet de lutter contre l’inflammation. Une affirmation largement confirmée depuis Anticancer, notamment dans une étude récente.
Plusieurs études ont aussi établi un lien entre aliments à IG élevé et cancer.  Une étude américaine qui vient d’être publiée a également associé la consommation d’aliments à IG élevé (donc riches en sucres raffinés) au risque de cancer des poumons (1).

Les oméga-3 et l’inflammation

David Servan-Schreiber a été l’un des principaux artisans de la popularisation des oméga-3 en France, via son livre Guérir. S’il en a d’abord découvert les vertus sur le cerveau et l’humeur, il a expliqué dans Anticancer comment ces acides gras particuliers, contenus dans le lin, les noix (et leurs huiles) et les poissons gras (sardines, maquereaux, harengs, etc.) s’opposaient à l’inflammation due à une trop grande consommation d’oméga-6 (les graisses trouvées dans les huiles de tournesol, de maïs et dans les viandes).
C’est pourquoi David Servan-Schreiber conseillait dans Anticancer d’augmenter la part d’oméga-3 dans l’alimentation (notamment par l’utilisation d’huile de colza) et de diminuer les oméga-6.
Depuis les études ont montré que les vertus anti-inflammatoires des oméga-3 pourraient être utiles dans les cancers, notamment celui de la prostate. Ainsi les malades qui consomment le plus de poissons gras ont des chances de survie plus importantes et de meilleurs marqueurs de l’inflammation que les autres (2). L’acide docosahexaénoïque pourrait aussi aider à diminuer les tumeurs du sein (3).

Le curcuma, l’épice indispensable

Epice anti-inflammatoire et antioxydante, le curcuma possède de nombreuses vertus santé, et anticancer en particulier. « En laboratoire, la curcumine [la substance active du curcuma] inhibe la croissance d’un très grand nombre de cancers : côlon, foie, estomac, rein, ovaire et leucémie par exemple » écrit le Dr David Servan-Schreiber dans Anticancer. Les propriétés anticancer du curcuma sont régulièrement mises en avant dans la littérature scientifique. Elles seraient dues à l’effet de la curcumine sur les cytokines inflammatoires, et sur les espèces réactives de l’oxygène (4). Le curcuma préviendrait à la fois l’apparition, la croissance et la propagation des tumeurs.
La recommandation de David Servan-Schreiber reste donc toujours d’actualité : mélanger ½ c. à c. de curcuma à du poivre noir et un peu d’huile et l’ajouter sur ses salades ou ses légumes cuits (au moins une fois par jour).

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Les crucifères, anticancer par excellence

« Les choux (de Bruxelles, chinois, brocolis, choux-fleurs, etc.) contiennent du sulphoraphane, des glucosinulates des indole-3-carbinoles qui sont de puissantes molécules anticancer » écrivait le Dr Servan-Schreiber. Depuis, les études épidémiologiques, d’observation, in vitro… continuent régulièrement à trouver des vertus anticancer aux choux. A consommer de préférence cuits à la vapeur ou passés rapidement au wok avec un peu d’huile pour bénéficier au maximum de leurs précieuses et fragiles molécules.

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Les fruits rouges, toujours en course ?

Une des manières de contrer la prolifération des cellules cancéreuses est d’empêcher la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Et parmi les molécules les plus prometteuses contre l’angiogenèse se trouve l’acide ellagique, une substance que l’on trouve dans la framboise et la fraise. « L’acide ellagique s’est révélé potentiellement aussi efficace que les médicaments connus pour ralentir la croissance des vaisseaux » est-il écrit dans Anticancer. Que dit la recherche depuis ? Des études sur les effets antiprolifératifs de l’acide ellagique continuent d’être publiées. Malgré tout il semble que les résultats prometteurs in vitro et sur les animaux aient du mal à être reproduits dans les études cliniques. Affaire à suivre donc.
En attendant il n’y a pas grand-chose à perdre à manger des fruits rouges et au contraire il y a même de bons antioxydants à y gagner.

Le soja, loin des polémiques

Les isoflavones du soja (génistéine, daidzéine, glycitéine…) agissent contre le cancer en bloquant l’angiogenèse. De par leurs propriétés estrogéniques, ils peuvent servir aussi à prévenir le cancer du sein mais il faut consommer du soja depuis l’adolescence pour bénéficier de ses vertus protectrices.
Le « lait » ou jus de soja permettrait aussi de prévenir le cancer de la prostate selon une étude récente. Consommer du soja sous ses différentes formes reste donc un bon réflexe si l’on veut se prémunir du cancer.

Pour en savoir plus, lire : Le soja : ce qu’il peut faire pour votre santé (abonnés)

En conclusion, les conseils nutritionnels du Dr Servan-Schreiber restent de bonne facture et ont été largement confirmés depuis la parution de son livre. 

Lire aussi : Cancer : vers un progrès décisif?

Source : http://www.lanutrition.fr/
Références

(1) Rochman S. : High Glycemic Index Associated With Increased Lung Cancer Risk.J Natl Cancer Inst. 2016 Jul 2;108(7).
(2) Aucoin M, Cooley K, Knee C, Fritz H, Balneaves LG, Breau R, Fergusson D, Skidmore B, Wong R, Seely D. : Fish-Derived Omega-3 Fatty Acids and Prostate Cancer: A Systematic Review. Integr Cancer Ther. 2016 Jun 29. pii: 1534735416656052.
(3) Yun EJ, Song KS, Shin S, Kim S, Heo JY, Kweon GR, Wu T, Park JI, Lim K. : Docosahexaenoic acid suppresses breast cancer cell metastasis by targeting matrix-metalloproteinases. Oncotarget. 2016 Jun 23. doi: 10.18632/oncotarget.10266.
(4) Qadir MI, Naqvi ST, Muhammad SA. : Curcumin: a Polyphenol with Molecular Targets for Cancer Control. Asian Pac J Cancer Prev. 2016;17(6):2735-9.